L’Islam aux origines du nationalisme algérien (3/3)

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Retrouvez la dernière partie de l’article de l’historien Gérard Crespo. Il se tient à votre disposition pour toutes questions posées en bas de cet article.


L’Islam pendant la guerre d’Algérie
En 1955, Abane Ramdane, chargé d’assurer la coordination inter wilayas et d’animer la liaison avec la délégation extérieure du FLN installée au Caire, commande un hymne révolutionnaire au poète Zakariya Mufdi qui compose le Serment (Qasaman) dont le refrain est « Attestez, attestez », or la « chahada » (profession de foi) et l’attestation de l’unicité divine. En 1957, un colonel de l’ALN, Amar Ouamrane confie à un journal libyen que « la lutte ne réside pas entre la France et le peuple algérien, mais entre les forces du mal et la nation musulmane ». Dans ses Mémoires le militant FLN incarcéré à la prison d’Alger dit qu’il avait obtenu que les cinq prières fussent respectées. Dans le djebel, le Ramadan était respecté. Mohamedi Saïd, l’ancien nazi et futur dirigeant du Front Islamique de Salut fait respecter la prière. Fumer était interdit; les contrevenants avaient le nez coupé. Les comportements déviants et jugés en désaccord avec le Coran sont condamnés; un responsable FLN soupçonné d’homosexualité, Bachir Chihani fit l’objet d’une fatwa. Arrêté, il fut jugé, condamné à mort et exécuté. Dans un témoignage récent d’un ancien combattant, Dda Belkacem livré à El Moudjahid.com celui-ci raconte qu’en attaquant la caserne des Mechtas en 1957, « toute la nuit nous avons arrosé le bâtiment de balles et d’obus en criant Allah Akbar ».
Du Caire, El Ibrahimi lance une fatwa contre l’Occident le désignant comme le Grand Satan, 25 ans avant la déclaration de l’ayatollah Khomeini qui, à Qom, en 1979 avait lancé lui aussi une fatwa contre Les Etats Unis les assimilant à Satan.
L’ethnologue Jean Servier, le commissaire Le Doussal, Mouloud Feraoun dans son Journal, tous attestent le rôle qu’a joué l’Islam dans la guerre d’indépendance et celui des Ulémas. La liste est longue et nous ne pouvons citer que les plus importants :
– Tawfik el Madani, un des fondateurs de l’Association des Ulémas participa à la création du GPRA et fut ministre des Habous sous Ben Bella.
– Fodil el Ouartilani aurait été proche des Frères Musulmans au Caire.
– Cheikh Larbi Tebessi proche de Ramdane, arrêté par l’armée française en 1957.
– Brahim Mazhoudi, officier de la wilaya II, Mohamed Kheireddine…

Journal El Moudjahid, 29 mai 1958

Zakariya Mufdi, 1964


Après 1962
Dès septembre 1962, tous les partis politiques et associations sont interdits, excepté une : « Al Qiyam », les Valeurs, dont la pensée se révèle proche de celle des Frères Musulmans. L’association est fondée par Hachemi el Tijani qui envisageait la création d’un état islamique et revendiquait l’application de la Charia. Au sein de cette association, on remarque Abassi Madani, membre du FLN en 1954, il a été arrêté par le police française et incarcéré durant sept ans. Il sera un des futurs fondateurs du Front Islamique de Salut en 1988. Parmi les autres fondateurs de Al Qiyam on remarque Omar el Arboui chef de file du wahhabisme en Algérie et Abel Baki Saharaoui qui se distingua par ses prêches contre les jeunes filles dont la tenue était jugée indécente.
Dans le préambule de la Constitution algérienne du 8 septembre 1963, on peut lire ceci : « L’Islam et la langue arabe ont été des forces de résistances efficaces contre la tentative de dépersonnalisation des Algériens par le régime colonial » et « l’Algérie se doit d’affirmer que la langue arabe est la langue nationale et officielle et qu’elle tient sa force spirituelle essentielle de l’Islam ».
Quant à Ben Bella une certaine presse algérienne aujourd’hui le soupçonne d’avoir été, au Caire, très proche des Frères Musulmans.
On ne saurait conclure sans rappeler qu’entre le 18 et 20 mai 2016 s’est tenu à Mostaganem un Congrès International soufi pour « lutter contre le radicalisme religieux » (in Rfi Afrique). Assistera-t-on à un recul du salafisme en Algérie ?

Ahmed Ben Bella, 1962


Quelques citations
« Combat tout oppresseur, Extirpe les racines des traitres », Chant des Scouts Musulmans.
« Les marabouts sont les bêtes domestiques du colonialisme », Ben Bâdis (1932).
« L’indépendance ne se demande ni se donne, elle s’obtient non par des paroles mais par des actes; nous utiliserons les moyens que les tribus ont fournis autrefois aux martyrs lors de la conquête française », Ben Bâdis mai 1937.
« L’Algérie a engagé aujourd’hui une lutte grandiose pour l’Islam », La voix des Arabes, Le Caire, le 1er novembre 1954.
« O fils irréductibles du Maghreb… vous êtes croyants, votre ennemi est un infidèle, croyez en la justice de votre cause », Radio Damas, le 3 juin 1955.
« En Algérie, un million d’étrangers… se trouvent face à dix millions d’Arabes… Ainsi si chaque Arabe se donne pour mission de tuer un Français, il est possible d’exterminer tous les Infidèles contre un chiffre de musulmans qui ne dépasserait le dixième du vaillant peuple algérien », Radio Damas, le 31 août 1955.
« Le colonialisme est une profanation des valeurs de l’Islam et une infamie sociale et culturelle qu’il faut combattre au même titre qu’il faut combattre Satan l’inspirateur de tous les maux et de tous les fléaux », El Ibrahimi au Caire, en 1955.”


Gérard Crespo

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