Connaissez-vous Mathieu Bock-Côté, sociologue québécois, et chroniqueur depuis quelques temps notamment dans une émission de début de soirée sur une chaîne télévisée française ? Bien connu pour ses positions souverainistes, c’est en l’écoutant débattre brillamment que l’idée de ce billet m’est venue… Cet accent québécois, celui de nos « cousins » d’outre atlantique, comme certains se plaisent à le rappeler, est le produit d’une longue histoire : celle d’un peuple qui a su conserver notre langue, et la parler correctement en dépit de l’emprise de la langue de Shakespeare dominante et d’un entourage plutôt hostile au français… Tels « d’irréductibles gaulois », comme dit l’autre, c’est grâce à leur force de caractère et sans doute à leur attachement à la culture et à la langue françaises qu’aujourd’hui de l’autre côté de l’Atlantique on continue à parler français. Pour mieux comprendre cette « survivance », il nous faut faire un utile rappel historique.
L’histoire de la France comme puissance coloniale en Amérique du Nord débute au XVIe siècle à l’époque des explorations européennes (Angleterre, Espagne, Portugal) et des voyages de pêcheurs basques, bretons et normands attirés par les ressources poissonnières de cette région. Les premiers contacts avec le nouveau monde remontent au XVIe siècle : en effet, suite à la prise de la ville chrétienne de Constantinople par les Turcs en 1453, la route de la soie vers la Chine qui assure les échanges commerciaux avec l’Orient est bloquée, les Européens doivent donc trouver d’autres moyens de se rendre en Orient et de grandes expéditions sont alors lancées, comme celle de Christophe Colomb en 1492 ou encore de Cortès au Mexique. En 1522, le tour du monde de Magellan et les explorations des navigateurs portugais et espagnols éveillent l’intérêt des Français : c’est l’explorateur italien Giovanni Verrazzano qui aborde la côte nord-américaine le 7 mars 1524. Dix ans plus tard, Jacques Cartier entame une série de trois expéditions qui lui permettent de mieux connaître la région et d’en prendre possession au nom du roi François Ier. Des contacts avec les populations autochtones s’établissent, du troc se développe avec les tribus indiennes. Jacques Cartier donne au fleuve qui traverse la région le nom de St Laurent et au pays le nom de Canada d’après le mot indien village. La France est ainsi le premier Etat européen présent dans le golfe de St Laurent dès le XVIe siècle. Par la suite, les guerres de religion vont marquer un coup d’arrêt à ces entreprises coloniales françaises. Cependant, les liens sont maintenus grâce à l’initiative d’armateurs français qui vont permettre de continuer l’exploitation des ressources poissonnières de la région et le commerce de la fourrure avec les autochtones, des activités qui vont favoriser la reprise de la colonisation au XVIIe siècle et emmener les Français plus loin à l’intérieur du continent… C’est dans ce contexte que Samuel de Champlain fonde la ville de Québec le 3 juillet 1608 et nomme définitivement la « Nouvelle France ».
Le territoire de la Nouvelle-France va progressivement se constituer pour regrouper les colonies suivantes : l’Acadie, le Canada, et la Louisiane. A noter que La Louisiane française représente un territoire beaucoup plus grand que l’Etat américain de Louisiane puisqu’il occupait 22,3 % de la superficie actuelle des États-Unis, un immense espace allant des Grands Lacs au golfe du Mexique.
La Nouvelle France est d’abord une colonie-comptoir administrée par des compagnies de commerce. Ces compagnies qui se succèdent s’engagent à peupler et à développer cette terre française en Amérique, en retour du privilège exclusif d’exploiter ses ressources (en 1663, la population dépasse de peu les 3000 personnes dont 1250 enfants nés au pays et moins de 1 % des terres concédées sont exploitées).
L’entrée en scène de Louis XIV favorise l’essor de cette colonie dont il fait une véritable province de France. Il la dote d’une organisation administrative hiérarchisée, veille au peuplement, étend son emprise territoriale et permet la multiplication des entreprises économiques. Louis XIV met en place une structure administrative similaire à celle instaurée dans les autres provinces du royaume. Sous l’autorité du Contrôleur général des Finances puis du Ministère de la Marine, la direction de la colonie est confiée à un Gouverneur responsable des questions militaires et des affaires extérieures, et à un Intendant responsable de la justice, de la police et des finances, en somme de tous les aspects civils de l’administration coloniale. Un Conseil souverain, devenu Conseil supérieur en 1717, agit comme tribunal d’appel et enregistre les édits du roi.
Les traité d’Utrecht signés en 1713 mettant fin à la guerre de succession d’Espagne, obligent la France à céder une partie de l’Acadie, Terre neuve et la Baie d’Hudson aux Anglais. Un peu plus tard, à l’issue de la guerre de sept ans, la France cède la partie occidentale de la Louisiane à l’Espagne par le traité de Fontainebleau du 3 novembre 1762. L’année suivante, le traité de Paris du 10 février 1763 renforce un peu plus la position de l’Angleterre en Amérique du Nord : la France perd alors le Canada (sauf Saint-Pierre-et-Miquelon) et la partie orientale de la Louisiane française (rive gauche du Mississippi). Enfin, sous la pression de Napoléon Bonaparte, l’Espagne rétrocède à la France la portion espagnole de la Louisiane en 1800 (traité de San Idelfonso du 1er octobre 1800), mais le premier consul s’en sépara définitivement en 1803 (traité de Washington) : la Louisiane est vendue aux États-Unis d’Amérique en 1803 pour un montant de 15 millions de dollars ou 80 millions de francs de l’époque.
A l’issue de cette brève présentation historique, une question mérite d’être posée : et si Napoléon n’avait pas vendu la Louisiane aux Etats-Unis ? … Je vous laisse imaginer la suite…
Bénédicte Hollender