Le rôle et l’influence des gaullistes dans la vie politique
De Gaulle a démissionné mais nombre de ses partisans ont gardé de hautes fonctions dans les gouvernements suivants. La personnalité la plus éminente est certainement Laurentie, directeur des Affaires politiques ; en décembre 1945 deux députés malgaches l’entretiennent du profond malaise de l’île, et en mars 1946, ils déposent une proposition de loi visant à reconnaître l’autonomie de Madagascar ; le texte ne fut jamais inscrit à l’ordre du jour. Laurentie intervient dans la commission des territoires d’outre mer de la deuxième Assemblée Constituante : « l’Union française n’est qu’une confédération présidée par la France, toute indépendance est écartée, les effets de la loi sur la citoyenneté, la représentation parlementaire mesurée, surtout pas de parlement africain ! ». Ce même Laurentie avait dès 1946 admis l’éventualité d’une politique de répression en cas de velléité d’indépendance : « démonstration d’énergie contre tous ceux qui cherchent à saper l’action de la France ainsi conçue et organisée (dans le cadre de l’Union française) ; il n’est plus temps de plaisanter, il faut être fort au nom d’un programme ». Il préfigurait la répression malgache de 1947 et la guerre d’Indochine.
Henri Laurentie
René Malbrant, gaulliste, futur député du R.P.F. au premier collège de l’A.E.F., se prononce dans un discours à l’Assemblée Constituante, le 15 avril 1946 « contre l’octroi de droits civils et civique aux autochtones ». Auparavant, en mars 1945, devant l’Assemblée Consultative, il avait affirmé : « notre destin de grande nation est lié à la prospérité et au progrès social de nos colonies ».
Octobre 1947 : élections municipales, 38% des suffrages au R.P.F.
Juin 1951 : élections législatives, le R.P.F. obtient 118 députés et devient le groupe le plus nombreux à l’assemblée. Des gaullistes entrent dans les gouvernements Pinay, puis Laniel (1952, 1953, 1954). En octobre 1953, au gouvernement Laniel et à l’Assemblée, les gaullistes se prononcent pour l’internationalisation du conflit vietnamien ; déjà en 1951, le gaulliste Palewsky s’était prononcé en ce sens, ce qui lui avait valu d’être traité d’hystérique et de fou par le communiste Guyot.
Maurice Bayrou député R.P.F. est hostile à toute réforme coloniale ; secrétaire d’état à la France d’Outre Mer dans le gouvernement Edgar Faure de mars à octobre 1955, il démissionne après la décision par ce même gouvernement d’autoriser le sultan du Maroc en exil à Madagascar de rentrer. Au même moment, à la Chambre, le député gaulliste Closterman essaie de convaincre l’Assemblée d’envoyer 400 000 hommes au Maroc qui s’est embrasé durant l’été, afin de retrouver le calme.
A propos de l’Afrique, les gaullistes à l’instar du Parti Paysan d’action sociale (droite) et de l’U.D.S.R. de Mitterrand, sont favorables à un vague fédéralisme ; ainsi René Capitant en 1950 fait passer aux assises nationales du R.P.F. une motion en ce sens : « l’action gouvernementale des organismes fédéraux [en Afrique] sera réduite à une action de direction et de coordination ». Selon l’historien Jacques Valette, la communauté fédérale étant vue comme le frein à la dissociation de l’ensemble français dans le monde.
En 1950, toujours, lors de la crise politique qui oppose Houphouët-Boigny leader du Rassemblement Démocratique Africain et le gouvernement français, des intermédiaires sont désignés pour sortir de la crise ; parmi eux, Raphaël Saller, gaulliste du Cameroun dès 1940.
Michel Debré, dans Libres Opinions, Le Monde, du 21 avril 1956, rédige un article intitulé Afrique perdue, France communisée dans lequel il dit : « la légèreté avec laquelle, depuis l’été dernier, ont été brisés nos liens avec le Maroc et la Tunisie, la légèreté avec laquelle certains parlent d’un statut de l’Algérie qui ferait de ces départements français un territoire quasi étranger, montrent que les conséquences n’ont pas été pesées par les responsables de notre destin – ou que quelques uns seraient mus par de mystérieuses intentions… que l’Afrique, qui hier était une succursale de l’Occident, coupe ses liens avec les nations tutélaires, et la victoire indirecte de Moscou serait considérable ».
Félix Houphouët-Boigny
Ainsi, un mois auparavant, dans la nuit du 22 au 23 mars est votée par l’Assemblée Nationale la loi-cadre Deferre qui accorde une évolution interne aux territoires d’outre mer : suffrage universel sans restriction, collège unique, attributions de compétences élargies aux gouvernements locaux. En deuxième lecture, le 23 juin, l’Assemblée Nationale accepte une version légèrement amendée : à l’intérieur du « cadre », le gouvernement pourra agir par décrets qu’il présentera à l’approbation de l’Assemblée de l’Union française et du Parlement. Deferre a tout fait pour qu’on n’interprète pas sa loi comme un signe en direction du F.L.N. Aux Européens d’Afrique, le message est clair : « il n’est pas question de partir, mais de rendre plus cordiale notre entente avec les populations africaines dans le climat nouveau créé par la réforme de nos institutions ».
Pourtant, un an auparavant, presque jour pour jour, s’est déroulée la conférence de Bandung au cours de laquelle 29 délégations d’Afrique et d’Asie (dont le Vietnam nouvellement indépendant) affirment leur solidarité envers les peuples africains dominés et réaffirment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Gaston Defferre
Un article édifiant et qui met bien en avant ce que sera la légitime détresse des populations de ces territoires se voyant oubliées.