Dans certaines légendes Atlas est vu comme celui qui soutient le monde, la voûte céleste, la hauteur de la montagne est à mettre en relation avec cette perception. Une autre légende explique la création de la montagne elle-même.
Il faut aller dans les Métamorphoses d’Ovide, auteur latin du siècle d’Auguste. Ce long poème de plus de douze mille vers raconte la création du monde et toutes sortes de légendes expliquant l’origine de végétaux et de minéraux. Lors de ses aventures, Persée, qui transporte avec lui la dangereuse et pétrifiante tête de Méduse, fait une halte sur les côtes de l’Hespérie. Là, habite le géant Atlas régnant sur des troupeaux immenses et sur une végétation aux branches d’or, mais depuis longtemps il a été averti d’un oracle par Thémis : « Un jour viendra, Atlas, où tes arbres seront dépouillés de ton or et c’est un fils de Jupiter qui aura la gloire d’une telle conquête. » (Livre IV, vers 644 – 645. Traduction de Félix de Parnajon).
Ainsi, lorsque, éreinté, Persée lui demande l’hospitalité, Atlas se méprend, pense que cet intrus vient accomplir l’oracle, il le chasse et le menace. En fait, on a vu que c’est Héraclès, un autre fils de Zeus-Jupiter, qui va le dépouiller. Pour Persée, c’est un affront, on ne peut refuser l’hospitalité, il brandit alors la tête de Méduse et : « À cet aspect, le corps énorme d’Atlas se change en une montagne non moins énorme : sa barbe et ses cheveux deviennent les forêts qui la couvrent ; ses épaules et ses mains en forment la chaîne ; ce qui naguère était sa tête, en est le sommet ; ses os sont convertis en rochers. Il se développe dans tous les sens, et s’accroît tellement (ainsi le veulent les dieux) que le ciel tout entier, avec ses astres innombrables, repose sur cette montagne. » (Livre IV, vers 657-662. Traduction de Félix de Parnajon).
Cette punition fait donc du propriétaire du jardin des Hespérides une montagne et la taille du massif montagneux s’explique par le gigantisme d’Atlas. Il se retrouve, là aussi, à supporter la voûte céleste. Ce châtiment se justifie car Atlas ne respecte pas les lois de l’hospitalité, en effet en Grèce ancienne, l’étranger est sous la protection de Zeus, on lui doit le gîte et le couvert mais aussi un cadeau, une sorte de gage d’amitié ; l’étranger lui, en contrepartie, raconte d’où il vient et ses voyages. Zeus d’ailleurs porte l’épithète de Xenios, celui qui protège les étrangers. En repoussant Persée, Atlas se comporte comme un barbare et insulte les dieux, en manquant à ce devoir religieux. Sa transformation radicale est à la mesure de l’affront, Persée lui « offre », en retour de son rejet, un cadeau : la métamorphose. On ne méprise pas impunément les règles des dieux surtout quand elles émanent du plus puissant.
Pour en finir avec les légendes, on ne peut pas laisser de côté la relation qu’il existe entre Atlas et la mythique Atlantide. C’est Platon, philosophe grec du Vème siècle av. J.C., (dans un fragment du Critias et dans le Timée) qui évoque cette île. Il rapporte des propos qui auraient été confiés un siècle avant lui à Solon, le législateur athénien, par un prêtre égyptien. Pour lui, Poséidon aurait eu en partage l’île de l’Atlantide. Clito, une jeune fille habitant sur cette île, devient l’épouse du dieu et lui donne des enfants dont Atlas. Ce dernier aurait régné sur cette cité florissante située au-delà des colonnes d’Hercule, un lieu riche et très développé dont les dimensions immenses en faisaient un pont entre l’Europe et l’Asie. L’Atlantide aurait donné son nom à l’océan qui l’entoure. Finalement Athènes, jalouse de ce pays florissant, finira par détruire cet État, pour Platon neuf mille ans avant son époque.
Retrouver ce lieu mythique est encore le rêve de nombreux explorateurs !
En conclusion, évoquons rapidement la postérité, pas vraiment mythologique, de notre géant : Atlas a donné son nom à un élément d’architecture, un atlante, une sorte de statue servant de pilier, mais aussi à la première vertèbre cervicale, qui soutient, évidemment, le cou ou encore à un avion de transport militaire !
Mais, laissons plutôt le dernier mot à Homère qui dans l’Odyssée, VIIIème siècle, av. J.C., évoque Atlas en ces termes : « [le] féroce Atlas qui connaît les abîmes de la mer, et qui porte à lui seul les colonnes puissantes par lesquelles terre et ciel sont séparés. » (Odyssée I vers 52-54. Traduction Philippe Jaccottet).
Cécile Hollender