Ces écrivains voyageurs… suite, cette semaine, nous allons découvrir l’inspiration algérienne dans l’œuvre de Théophile Gautier. Sur ces pas (!) nous vous souhaitons de très belles fêtes de fin d’année en famille.
Théophile Gautier (1811-1872).
« Cette vie étrange où la civilisation se mêle à la barbarie dans une proportion si pittoresque » (Loin de Paris, 1865).
Pour le grand public, Théophile Gautier est bien connu pour ses « Contes fantastiques » et ses romans historiques comme « le Roman de la Momie » ou surtout ce « Capitaine Fracasse » éblouissant de fantaisie où il fait revivre la France haute en couleurs du temps de Louis XIII. Mais ses talents sont encore plus variés et son œuvre est immense. Poète, romancier, dramaturge, critique littéraire, critique d’art, peintre, il fut aussi un journaliste et un grand voyageur, qui laissa de ses voyages d’intéressantes relations. Théophile Gautier visita bien des pays d’Europe, notamment l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et l’Angleterre, et même la Russie. Mais c’est l’Orient qui le fascinait le plus, l’Orient mis à la mode par les tableaux de Delacroix et par « Les Orientales » de Victor Hugo, l’Orient des romantiques que séduisaient les mers étincelantes et les populations pittoresques, les palmeraies et les ruines, les forêts d’oliviers et la fraîcheur des oasis, les costumes. Mais l’Algérie, que la récente conquête avait mise à la mode, offrait, elle aussi, les mirages et les couleurs de cet Orient mystérieux.
Théophile Gautier rêvait depuis longtemps d’un voyage en Algérie, et il put réaliser deux fois ce rêve, une première fois en 1845 (entre juillet et août 1845 : Alger, Dellys et Kabylie, Blida, Oran, Philippeville, Constantinois, Stora) et une seconde fois en 1862, à l’occasion de l’inauguration du chemin de fer de Blida. En effet, en août 1862, le Moniteur l’envoie en Algérie pour couvrir l’inauguration du premier chemin de fer du pays, qui joignait Blida à Alger. La première pierre de ce tronçon avait été posée en décembre 1859, et, grâce aux encouragements de Napoléon III, le rail fut installé sur ses assises en un temps record. Ces voyages lui offrent l’occasion notamment de découvrir Blida, « une charmante petite ville, une espèce de Tibur africain détachant ses terrasses blanches sur un fond de montagnes violettes, ombragée par des bois où luit sous le vert feuillage le fruit d’or que regrettait Mignon, et rafraîchie par de nombreuses rigoles d’eaux courantes qui jasent le long des routes et des clôtures ; j’y ai passé quelques jours délicieux dans ce kief oriental qui est, au farniente italien, ce que l’extase est à l’ivresse et l’outremer au bleu de Prusse ; état charmant où l’on dort les yeux ouverts, magnétisé par les fluides caresses de l’air, en si parfaite harmonie avec le milieu qui vous entoure, qu’on ne se sent pas plus vivre qu’un aloès ou qu’un laurier-rose. À moins d’être mort, on ne saurait être plus heureux ».
Voyages de Théophile Gautier en Algérie : – Juillet et août 1845 : Alger, Dellys et Kabylie, Blida, Oran, Philippeville, Constantinois, départ de Stora pour Marseille. – Août 1862 : Alger et Blida (inauguration du premier chemin de fer en Algérie)
L’Algérie dans l’œuvre de Théophile Gautier : – « La Juive de Constantine », tragédie (1846) – « Loin de Paris » (1865), qui rassemble les récits et articles écrits ou publiés précédemment. – Autres textes dans « Voyage en Algérie » (La Boîte à documents, 1989)
Régalez-vous en lisant ce passage intitulé « Un animal étrange : le chameau », extrait de « Loin de Paris » (1865).
Extrait : Près d’une poterne, pour la première fois, nous aperçûmes, dans une halte de bêtes de somme, des chameaux. – Rien n’est plus singulier que de voir en liberté des bêtes qui n’existent chez nous qu’empaillées ou dans les parcs de ménagerie. – Le chameau est l’animal le plus étrange qu’on puisse imaginer. Il semble appartenir à quelques-unes de ces créations disparues dont les géologues ont refait l’histoire. Sa construction, si bizarrement gauche dans sa difformité, indique les tâtonnements de la nature encore à ses premiers essais. – La gibbosité de son dos, la longueur de son col, la soudure grossière de ses articulations, qu’on croirait luxées, les calus qui les couronnent ont quelque chose de monstrueux et de ridicule, d’effrayant et de risible ; on dirait une charge zoologique modelée avec le limon primitif par quelque Dantan antédiluvien. Il y en avait deux mêlés à un troupeau de ces malheureux petits ânes dont nous avons parlé. Ils étaient accroupis, tout chargés, dans le sable brûlant. Leurs jambes repliées formaient des espèces de moignons rugueux, hideux à voir. Leurs flancs, goudronnés, luisaient sous le lacis de cordelettes et de bâtons destinés à retenir les ballots. L’un deux allongeait dans la poussière ce long cou fauve qui rappelle celui de l’autruche et du vautour, et se termine par une petite tête aplatie comme celle d’un serpent où brille, entre de grands cils jaunes, un œil de diamant noir où se dessinent des naseaux velus et coupés avec une obliquité sardonique. – L’autre, gravement rengorgé, brochait des babines et paraissait plongé dans les voluptés de la digestion. – Il ruminait – Quelques touffes de poil roussâtre floconnaient aux environs de la bosse, et faisaient avec les parties rases un contraste qui donnait à l’honnête chameau une vague apparence de volaille à moitié plumée. Un Arabe, immobile sous le déluge de feu, attendait, appuyé contre son bâton, que les animaux fussent assez reposés pour se remettre en route. Quelle rêverie occupait cet homme dans sa pose de statue ? A quoi pensait-il ? – Nous aurions bien voulu le savoir : à rien, sans doute ; car les Orientaux, disent ceux qui les connaissent, ont la faculté de rester des heures entières à l’état purement végétatif, enveloppés par l’air tiède comme par un bain, et ne conservant de la vie que la respiration.
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