Deuxième extrait du dernier livre de Jean-Pierre Hollender, « Ces migrants qui ont fait l’Algérie française« , cette semaine nous vous proposons un passage de la nouvelle « Les Holindre » sur l’arrivée des Alsaciens – Lorrains en Algérie.
Toute ressemblance avec des personnages ayant existé est fortuite !!
« C’était une famille de vieille souche lorraine qui vivait depuis des décennies à Phalsbourg petit bourg chef-lieu de canton du département de Moselle. Comme il se doit, il y avait là un juge de paix et un notaire mais aussi une unité d’artillerie qui surveillait « la ligne bleue des Vosges », pour le cas où les Prussiens tenteraient de faire une incursion sur le sol national dans cette partie alémanique de France. Ce village avait une gloire locale : le maréchal Mouton dont la statue trônait au milieu de la place devant la mairie, il était sabre au clair en grand uniforme figé dans son bronze. Mais ce patelin aura plus tard deux autres gloires locales, l’écrivain Emile Erckmann connu pour sa collaboration avec Alexandre Chatrian : le fameux duo Erckmann-Chatrian.
Le premier personnage de cette famille qui allait nous intéresser sera Nicolas qui avait eu l’honneur de participer à la défaite de Waterloo dans les rangs des fameuses « Marie-Louise » et qui fera une modeste carrière militaire assez décevante, car il avait terminé cette dernière comme maréchal mais des logis-chef. Ce dernier en garnison à Metz avait fait la connaissance à l’auberge « Schöne Zimmer » d’une gaillarde prénommée Victoire : il l’avait rencontrée régulièrement dans des rapports intimes et privilégiés ce qui aboutit à la conception d’un héritier mâle.
Ce fut à la mairie que Nicolas apprit le patronyme de sa nouvelle femme qui était El Kaïm. Mais comme elle avait accepté de se marier à l’église de St Odile à Metz patronne des Vosges, il se rassura sachant qu’elle était catholique apostolique et romaine. Sa conversion à la « vraie foi » venait du grand-père qui avait épousé une demoiselle Messerschmitt (pas l’inventeur de l’aviation qui n’existait pas encore à l’époque, car Clément Ader n’avait pas encore trouvé l’aéroplane à moteur).
Revenons à notre ami Nicolas : avec Victoire, ils eurent un garçon, l’enfant fut baptisé à l’église Florent et déclaré Laurent à la mairie de Phalsbourg. Ce bambin fut vite passionné de musique (il jouait du trombone). Parti à l’armée à 18 ans contre l’avis de sa famille, il se maria avec Anna Gresaber, une alsacienne de Saverne, certes en Alsace mais à 15 km de Phalsbourg. Notre héros entré dans l’armée, fut élève caporal et bientôt affecté au troisième groupe d’artillerie à Constantine à la batterie de Sétif, au pays des sauvages qui ne buvait que de l’eau et ne mangeaient jamais de jambon et de cochon. C’était leur dieu nommé Allah qui leur ordonnait cela. C’est donc à Sétif qu’il eut d’Anna son premier fils Charles, il fut nommé maréchal des logis (sergent) et fut appelé avec son régiment à aller combattre aux nouvelles guerres d’Italie ; il fut légèrement blessé à Solférino, ce qui lui valut d’être décoré de la médaille militaire et d’être nommé maréchal des logis-chef. Son épouse était restée en garnison à Constantine. Quelques temps plus tard son régiment dut rejoindre la Crimée pour combattre les Russes qui voulaient asservir tous les slaves de l’Europe centrale. C’est durant cette campagne de Crimée qu’il fut nommé sous-lieutenant et qu’il obtint d’être nommé chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur. Son régiment revint après la victoire lors de cette campagne à la garnison de son régiment d’origine (Constantine), et dans la foulée, il fit trois nouveaux enfants à son épouse dont une fille qui devait mourir à Blida où il avait été détaché …./… En 1868, son unité fut à nouveau affectée en métropole et coup du sort il se retrouva en garnison dans sa ville natale Phalsbourg. Lorsque la guerre éclata, il se battit comme un lion contre ces maudits Prussiens – ceux qui crucifiaient les francs-tireurs sur la porte des fermes. Malheureusement, Anna Gresaber la mère de cette nombreuse famille allait être tuée sous les canonnades des Allemands. Sa sœur Marie allait s’occuper de ces petits Holindre. L’empereur Louis Bonaparte dut rendre les armes à Sedan…c’était la défaite, le premier ministre du Kaiser Monsieur Bismarck exigea le jour du traité de paix que l’Alsace et la Moselle soient annexées par l’empereur d’Allemagne.
Ce dernier voulant « germaniser la plaine » proposa aux officiers alsaciens-lorrains d’être intégrés dans l’armée prussienne avec le double avantage de sauter de grade et de prendre l’éducation des enfants en charge. Ce qui voulait dire pour notre Florent qu’il aurait pu passer de capitaine à lieutenant-colonel, et les petits certains d’aller dans des collèges allemands. Patriote et surtout bonapartiste, il refusa tout net et choisit l’exil. Il fit partie des 100 000 Alsaciens et Lorrains sur un million 500 000 qui refusèrent de devenir allemands. Il n’y eut donc plus qu’une solution pour Florent : accepter de retourner en Algérie, un pays qu’il connaissait bien… C’est sur l’initiative de Monsieur Thiers, président de l’exécutif provisoire de la 3e République que certains Alsaciens-Lorrains réfugiés en France furent envoyés vers l’Algérie. L’entourage du président avait fait remarqué à ce dernier : « tous ceux qu’on envoie en Algérie, ce sont le rebus qu’on ne veut plus en France comme les quarante-huitards, les adversaires de Napoléon III et les Communards qui sont tous des rouges, pour une fois ces émigrés seront des bleus de vrais républicains presque tous catholiques » …/… »
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