Les SAS en Algérie (1/3)

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MNT vous propose un article de Bénédicte Hollender sur l’action médico-sociale des Sections Administratives Spécialisées (SAS) en Algérie. Cet article sera publié en 3 parties.


Des « missionnaires en uniforme »(1) :
les sections administratives spécialisées en Algérie (1955-1962)


Lorsque l’on parle de l’armée française dans la guerre d’Algérie, on oublie bien souvent de parler de l’action pacificatrice menée par elle. En 1955, alors que les évènements s’enlisent(2), Jacques Soustelle gouverneur général de l’Algérie(3), constate la sous-administration des communes mixtes(4) : il décide de créer les SAS (Sections Administratives Spécialisées)(5). Piliers essentiels de la pacification, les SAS doivent être « des institutions spécifiques de contact »(6) avec les populations. Leur création s’inscrit dans la politique d’intégration de la population musulmane mise en place par le gouvernement général notamment dans les zones rurales isolées. Dès 1961, on dénombrera 700 SAS réparties sur l’ensemble du territoire algérien et 20 SAU (Sections Administratives Urbaines) dans les quartiers musulmans des grandes villes, quelques antennes seront même créées en métropole. Une SAS est une structure administrative civile et militaire ayant pour mission d’assurer la sécurité et d’intervenir dans des domaines aussi divers que l’administration, la santé, le social, l’éducation, l’économie.

Jacques Soustelle

Les SAS s’intègrent dans la grande tradition des Bureaux arabes(7) créés en Algérie en 1833 et plus tard des Affaires Indigènes du Maroc en 1926(8). Cet héritage est constamment réaffirmé sur le plan matériel, le képi bleu ciel frappé du croissant et de l’étoile d’or, complété par les épaulettes rouges des officiers SAS ; comme sur le plan humain puisque les anciens des Affaires Indigènes sont présents dès leur mise en place que ce soit dans l’entourage de Jacques Soustelle ou dans l’expérience pilote des SAS menée dans l’Aurès(9).

Les archives relatives aux SAS sont conservées aux Archives nationales d’outre-mer et au Service historique de la Défense. Ces fonds sont composés de rapports de quinzaine, de bulletins mensuels, de journaux des marches et opérations, de tableaux statistiques, d’enquêtes : un ensemble de pièces dont l’officier SAS assume personnellement la rédaction et l’envoi périodique à sa hiérarchie(10). Assurant un large éventail d’interventions, le dispositif des SAS est suffisamment souple pour s’adapter au terrain afin de réaliser sa mission principale : « prendre ou reprendre contact avec la population musulmane »(11). Ainsi, l’officier SAS apparaît tour à tour soldat, administrateur, juge, infirmier, assistante sociale, entrepreneur, agent de renseignement, déployant au quotidien une énergie énorme pour remplir sa mission principale : améliorer le sort de la population musulmane. Afin d’évaluer au mieux cette action de terrain, le mode opératoire lié à l’implantation des SAS (I), puis un focus sur leur mission sanitaire, sociale et éducative (II) seront successivement présentés.


(1) Article du Dauphiné Libéré du 15 février 1958.
(2) À la fin de l’année 1954, la situation se dégrade notamment avec la « Toussaint rouge » : le FLN commet une série d’attentats en plusieurs endroits du territoire algérien ; d’autres massacres suivront comme ceux de Philippeville et d’El Halia en août 1955 dans le Constantinois.
(3) Il est nommé le 26 janvier 1955.
(4) En Algérie, il y a deux types de communes : la commune de plein exercice sur le modèle métropolitain et la commune mixte, conçue en 1868 pour les territoires militaires puis introduite en 1874-1875 dans le territoire civil, dirigée par un administrateur-fonctionnaire nommé et une commission municipale composée à parité de conseillers européens et musulmans. Le territoire de la commune mixte situé en zone rurale est particulièrement vaste et englobe une population nombreuse (plusieurs dizaines de milliers). Cette vaste étendue va occasionner une sous-administration devenant un atout pour le FLN. Leur suppression est décidée par la loi du 20 septembre 1947, et pourtant en 1956 l’Algérie compte encore 78 communes mixtes : Claude Collot : Les institutions de l’Algérie durant la période coloniale 1830-1962, CNRS, 1987, p. 103-114.
(5) Outre les écrits des anciens officiers SAS, nous renvoyons à la thèse de Grégor Mathias, Les officiers des SAS et des SAU et la politique de pacification pendant la guerre d’Algérie (1955-1962), thèse d’histoire sous la direction de Guy Pervillé, Toulouse 2, 2013, 1044 p. ; Il manque l’auteur Les sections administratives spécialisées en Algérie, entre idéal et réalité (1955-1962), L’Harmattan, 1995, 256 p.
(6) Robert Lacoste cité par Jacques Frémeaux, La France et l’Algérie en guerre 1830-1870, 1954-1962, Economica, 2002, p. 56.
(7) Jacques Frémeaux, Les Bureaux arabes dans la province d’Alger, thèse d’histoire sous la direction de Xavier Yacono, Toulouse 2, 1977, 509 p.
(8) Marc Méraud, « Histoire du service des Affaires Indigènes au Maroc », Histoire des goums marocains, études réunies par Marc Méraud, Jacques Morineau, Yves Salkin, La Koumia, 1990, p. 207-321.
(9) Les trois inspecteurs généraux des SAS sont trois anciens des Affaires Indigènes : les généraux Parlange, Partiot et Teranier.
(10) Archives nationales d’outre-mer (ANOM), 6 SAS 2, note de service du 13 février 1959.
(11) Propos du général Partiot, inspecteur général des Affaires algériennes en 1959, cité par Jacques Frémeaux, « Les SAS », Guerres mondiales et conflits européens, PUF, n° 208, 2002/4, p. 57.

Bénédicte Hollender

A suivre la semaine prochaine…

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