Constantine, la ville suspendue : aujourd’hui le pont El Kantara

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Edifiée environ 3000 ans avant notre ère, la ville de Constantine est assise sur un plateau rocheux de plus 600 mètres d’altitude, un bloc calcaire entouré de profonds ravins creusés par le torrent du Rhummel, l’antique Amsaga. Cette situation géographique exceptionnelle a contribué à lui donner sa réputation de forteresse naturelle imprenable, une ville « mieux fortifiée par le Rhummel que n’aurait pu le faire Vauban » selon Théophile Gautier.

Et pourtant, Constantine fut assiégée et conquise plus de quatre-vingts fois, assure la légende arabe. Les Phéniciens, les Numides et les Romains s’y succédèrent, puis les Vandales, les Byzantins, les Arabes, et les Français. Les différents occupants ont ainsi réalisé des lieux de franchissements des gorges, et au fur et à mesure du développement de la ville, Constantine est ainsi devenue comme Paris « la ville des ponts ». Ils sont aujourd’hui au nombre de 8, je vous propose de découvrir certains d’entre eux.

Les premiers ponts de la ville, nous les devons à Rome : Constantine est alors dotée de quatre ponts et de deux aqueducs en pierres de taille. De ces ouvrages romains, quelques rares vestiges subsistent encore de nos jours comme le pont d’Antonin, construit sous le règne de l’empereur Antonin le Pieux au IIe siècle, qui se situe sous le pont El Kantara. Il comprenait trois étages à plusieurs arches reposant sur un arc inférieur unique dont les deux piles subsistent encore aujourd’hui. A la fin du XVIIIe siècle, sur les vestiges du pont d’Antonin, un nouveau pont est édifié sur ordre du Bey de Constantine, et lorsque le pont s’effondre en 1857, la construction d’un ouvrage à cet endroit des gorges est décidée en 1860 : ce sera le pont El Kantara, premier ouvrage notable construit dans la ville par les Français. Son nom est d’ailleurs un pléonasme puisque « el kantara » signifie le pont en arabe.

C’est l’ingénieur Georges Martin qui a été choisi : ce dernier appartient à une célèbre famille d’ingénieurs des ponts et chaussées et de métallurgistes qui avait entrepris de construire des chemins de fer en Algérie. Les travaux débutent en 1860 et vont durer trois ans. Dans un cahier rédigé par Georges Martin lui-même nous en savons un peu plus sur cette construction : la difficulté principale soulevée par l’ingénieur est liée bien entendu à la particularité du site des gorges du Rhummel, et notamment à la profondeur du lit (150 mètres). Il évoque aussi « les ressources précieuses trouvées dans la population ouvrière de cette colonie », il fait l’éloge de leur « énergie » et de leur « hardiesse », il souligne « la facilité avec laquelle on les dirige » et précise que « pour tous ceux qui viendront en Algérie exécuter des travaux importants, il est inutile d’amener avec soi de France un personnel complet…On trouvera les ressources nécessaires dans la population locale ». Georges Martin sera fait chevalier de la légion d’honneur pour la réalisation du pont El Kantara le 10 juin 1865.

Le résultat est impressionnant : un pont routier en forme d’arche principale en fonte de style Second Empire, longue de 128 mètres reposant sur deux piles de pierre de maçonnerie. Le pont aboutit à une porte monumentale à deux arches de pierre qui délimite l’entrée de la ville, mais ces deux arches gênant la circulation seront détruites en 1922. A noter que cet ouvrage d’art sera le plus haut pont en pierre dans le monde lors de sa construction.

A suivre…

Bénédicte Hollender

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